Dans notre grande série "Est-ce que nos médias ne seraient pas un poil bourgeois et réacs par hasard?", Le Soir donnait l'impression de célébrer à sa manière la journée de la femme avec 3 mois d'avance.
Le prétexte, c'est la revalorisation du salaire parental par le gouvernement Merkel. Depuis le 1er janvier, en effet, celui des parents qui restera à la maison pour s'occuper des enfants aura droit pendant un an à 67% de son salaire net - ce n'est pas précisé par l'article mais je présume qu'on prévoit tout de même un maximum - plus une prime de 10% pour les enfants nés dans les 30 mois qui suivent. Et Christophe Bourdoiseau (le journaliste) de nous vendre la mesure comme une révolution dans la mentalité des chrétien-démocrates pour qui "la femme idéale a toujours été fidèle aux 3k: Kinder, Küche, Kirche". Ne réservant que quelques caractères aux critiques de l'opposition.
C'est bien joli mais, d'un point de vue féministe, c'est tout de même se moquer du monde.
Bien sur, la mesure en question est accessible aux deux parents. Mais on sait par ailleurs que dans ce genre de cas, c'est le parent dont le revenu est le plus faible qui renonce à une partie de son salaire pour s'occuper de la marmaille. Et je vous renvoie ici pour un bref rappel des différences salariales hommes/femmes.
Qui plus est, voila encore une mesure qui ne vient pas vraiment en aide aux ménages à faibles revenus - ce n'est de toute façon pas évident de nouer les deux bouts avec deux petits salaires. Par contre, les classes les plus aisées...
Bon, soyons clair, la mesure n'est pas ridicule mais elle me pose deux problèmes.
1) Elle part du principe que si la natalité baisse, c'est parceque les couples n'ont pas les moyens de faire des enfants. C'est souvent vrai. Mais c'est faire l'impasse un peu vite sur le fait que le manque de stabilité économique des ménages et la précarisation croissante n'est pas vraiment de nature à encourager à se reproduire. Dans une ambiance où on n'est jamais certain de conserver demain les ressources dont on dispose aujourd'hui, se lancer dans un projet familial n'est pas évident (un enfant, c'est 20 ans minimum - ma mère dirait toute une vie mais c'est un autre débat).
2) en terme d'égalité des genres, elle ne résout rien, comme je l'ai déjà dit. D'ailleurs, je crains qu'aussi longtemps qu'on continuera d'offrir des poupées aux petites filles et qu'on répètera aux petits garçons qu'un homme ça ne pleure pas - non, non, même si on perd 3-2 après avoir mené Chelsea 2-1 jusqu'à 10 minutes du terme - on ne risque pas de résoudre la question.
"Alors on reste assis sur sa chaise et on critique tout?" me demandera le lecteur attentif mais sceptique quant à mes sempiternelles plaintes contre le capitalisme triomphant.
Non, bien sur. Mais en attendant de convaincre chacun de nos concitoyens qu'il n'y pas de raison d'éduquer différemment un homme et une femme, on peut toujours commencer par conditionner l'accès à la mesure par une répartition égale du congé parental entre les 2 parents. Et investir massivement dans la création de crèches publiques.
2 commentaires:
Il est légitime pour un parent, de ne pas avoir envie de faire des enfants pour les envoyer à la crèche. Je trouve donc très positif de permettre au parent qui le désire -homme ou femme- de s'arreter de travailler pour éduquer son enfant, tout en conservant un revenu propre (et les avantages sociaux liés, ce que l'histoire ne dit pas). Pour le reste, ce n'est "plus" qu'une question de changement des mentalités... et peut-être verrons nous un jour les hommes considérer qu'accompagner l'évolution de leur progéniture est finalement plus important que leur carrière.
Le problème que je soulève ici n'est pas de savoir s'il est légitime ou pas d'interrompre sa carrière pour élever ses enfants en disposant d'un revenu propre. C'est évidemment un droit que personne ne conteste.
Par contre, la mesure telle qu'elle est établie a tendance à maintenir, voire à renforcer, le partage traditionnel des rôles dans la cellule familiale.
La création d'un système de crèche publique efficace a quant à lui pour but de ne pas contraindre à choisir aussi radicalement entre éducation des enfants et carrière, principalement pour les femmes (qui sont les principales victimes du système actuel).
Enfin, le choix d'interrompre sa carrière pour suivre ses enfants n'est pas seulement un problème de mentalité, mais bien un problème d'ordre socio-économique. Dans une société capitaliste, il ne me parait pas possible de poser librement ce choix.
Alors que de plus en plus de boulots ne permettent pas de mener une vie décente, la question de l'interruption du travail et d'une perte significative de revenus ne s'impose pas comme une évidence.
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