02 août 2006

Le retour d'Adam G.


On nous l'a annoncé à grand renfort médiatique: Adam G. , l'assassin de Joe Van Holsbeek, est arrivé aujourd'hui en Belgique pour répondre de son acte devant un juge pour mineur. Cela grâce à l'intense activité de ma camarade ministre de la Justice et Vice-Première.

"Et alors?" m'interrogera le quidam, "voila une bonne nouvelle, non?".
Je ne dis pas le contraire. Mais tout de même deux choses.

1. Est-ce qu'il n'y a pas comme un petit problème de cohérence du côté du ministère de la Justice? Voila deux mois - et dans une discrétion à faire pâlir d'envie l'homme invisible - les mêmes annoncent qu'ils ont trouvé un truc infaillible pour vider nos prisons surpeuplées. En fait, c'est simple comme bonjour: il n'y a qu'à envoyer les condamnés étrangers (ou d'origine étrangère?) casser des cailloux dans leur pays d'origine. Bon sang mais c'est bien sûr!

Et qu'importe si ça a comme un arrière-goût de double peine! Comment? Le PS s'est battu il n'y a pas si longtemps pour abolir cette mesure inique revenant à punir un individu deux fois pour la même faute? Silence, mauvais plaisant! Vous voulez nous fâcher avec le syndicat des matons, qui trouve l'idée intéressante? Vous ne savez donc pas qu'au Royaume-Uni, des ministres doivent démissionner pour avoir omis de bannir du pays des prisonniers à l'issue de leur peine?

2. Toute cette activité diplomatique pour obtenir l'extradition d'un ressortissant polonais hors de pologne, c'est bien beau. Mais on peut peut-être rappeler en passant que la Belgique n'extrade pour ainsi dire jamais ses nationaux. Dans le contexte de la création d'un espace juridique européen, quel est le sens de cette extradition? Encore une humiliation à ajouter à la liste déjà longue des camouflets aux nouveaux pays membres de l'Union? "Vos prisons - et plus tard vos rues - sont bien assez bonnes pour nos délinquants mais je doute que vos magistrats soient compétents pour les juger"?

Plus simplement, il me semble que la démarche en dit long sur l'attitude générale à l'égard de la Justice (avec un grand J). Finalement, l'essentiel ici est que le procès ait lieu en Belgique. Ce qui est sauvegardé dans cette démarche, c'est l'aspect rituel , quasi anthropologique du processus judiciaire.
Je m'explique: la société toute entière a été touchée, à raison d'ailleurs, par la mort d'un jeune homme, en plein jour, en pleine gare centrale. Ce décès a créé un malaise d'autant plus grand que, en définitive, l'indifférence de la foule a tué Joe presque aussi sûrement que les coups de couteau. Pour combler ce malaise, pour revenir à une forme de normalité, les rites judiciaires doivent être posés, le coupable (en tout cas un coupable) doit être puni. C'est vieux comme toute forme de société humaine.

Mais ce qui fait l'honneur d'un système judiciaire développé, c'est la capacité à dépasser cet aspect rituel. C'est la volonté ferme de garantir la réinsertion dans le tissu social du condamné à l'issue de sa peine. En faisant extrader vers la Belgique Adam G., tout en laissant entendre qu'il aura à purger sa peine en dehors du pays, Laurette Onkelinx signale tout simplement que l'Etat est habilité à condamner mais qu'il refuse de prendre ses responsabilités au delà de ce qui est nécessaire à apaiser l'angoisse des citoyens.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Brian,

Je lis ton post avec intérêt, comme toujours... Quelques petits commentaires malgré tout.

1. La justice est une activité humaine. Elle se prête toujours à une analyse anthropologique, dans le cas du meurtre d’un jeune homme comme dans celui d’une querelle de voisinage. Je ne sais pas si nous assistons ici à un rituel judiciaire particulier, mais il me semble que c’est bien le rôle de la justice belge de préserver la paix sociale en assurant un procès, dans le respect des règles d’un système judicaire développé, qui prévoit par exemple un juge de la jeunesse…

2. Penses-tu vraiment que la Pologne puisse se sentir humiliée par cette procédure? Le parquet de Bruxelles a demandé l'extradition du suspect d'un crime commis sur son sol, après, c’était à la justice polonaise de trancher, en toute indépendance, dans le cadre des lois polonaises mais aussi des engagements européens. Enfin, c'est elle-même qui a réclamé qu'une peine de prison soit purgée sur son territoire... Tu sais qu’il n’est pas dans mes habitudes de défendre Laurette, mais je ne pense vraimentpas voir ici un cas de double peine.

Amitiés, @ bientôt,

André

PS : Il est vrai qu’il était illégal pour la Belgique d’extrader ses nationaux, mais je crois que le mandat d’arrêt européen est venu bouleverser tout cela…