Il y a des endroits magiques, qui ne paient pas de mine mais qui vous marquent un paysage culutrel comme pas deux. Par où tout le monde passe user ses fonds de culotte, sa voix, son foie ou le bout de ses doigts avant de devenir riche et célèbre. En tout cas célèbre.
Dans ce registre-là, à Bruxelles, on pouvait citer des caberdoechs épiques comme le Pol's ou plus chics comme le Travers. Le DES et son studio. Tous fermés depuis plus ou moins longtemps. Parfois ré-ouvert hors les murs. Et puis il y a la Samaritaine. Un café-théâtre, un vrai. Dans une cave voûtée - attention à la tête - qui vous donne l'impression de tout de suite être chez vous, d'être au milieu d'intimes et que tout ce qui se passe sur scène, musique ou théâtre, va vous changer pour de bon.
Même si vous n'y êtes passés comme moi que quelques fois, ça a dû vous marquer au point que, vous aussi peut-être, vous pensez que Brassens a écrit "chez Jeanne" tout exprès pour Huguette Van Dyck, l'animatrice depuis plus de 20 ans.
Et bien figurez-vous que pour aider un lieu comme celui-là, les pouvoirs publics se limitent à 65.000€ l'an, répartis entre la Cocof et la Communauté Française. Pas un balle de plus. La Ville ne donne pas un rond, la Cocof plafonne et la Communaté Française fait la sourde oreille aux demandes concernant un rab de 20.000 euros annuels supplémentaires. Faute de réponse, la Sama jettera l'éponge au 31 décembre...
Il paraît que l'âme d'une ville, ça n'a pas de prix...
7 commentaires:
Cher Brian,
Pourquoi les pouvoirs publics devraient-ils financer les loisirs des riches avec l'argent des pauvres?
Cher Deckard,
La question n'est pas ici de financer les loisirs des riches avec l'argent des pauvres mais bien d'assurer à tous l'accès à la culture, indépendamment des origines sociales.
Y a-t-il des loisirs de pauvres et des loisirs de riches? Il y en a certainement qui, pour des -mauvaises- raisons économiques avant tout, sont aujourd'hui fermés à certaines classes sociales - cela n'en fait pas d'office des loisirs de classe.
La culture peut-être à la fois un puissant outil d'émancipation sociale ou au contraire d'oppression suivant qu'elle est ouverte à tous ou réservée à une élite financière.
Dans le cas de la Samaritaine, je crois que c'est un endroit qui se range dans la première catégorie.
Par ailleurs, s'il faut certainement encore l'améliorer, le caractère progressif de l'impôt (au plus tu gagnes, au plus tu paies) a été mis en place pour que ce soit plutôt les riches qui financent l'ascension sociale des pauvres plutôt que les pauvres qui financent les loisirs des riches.
Il y a encore des progrès à faire, c'est évident, mais c'est aussi pour ça qu'on continue la lutte!
Brian,
Vous dites que "La culture peut-être à la fois un puissant outil d'émancipation sociale ou au contraire d'oppression suivant qu'elle est ouverte à tous ou réservée à une élite financière". Je n'ai pas les moyens d'aller à l'opéra ou de jouer au golf tous les jours et je ne me sens pourtant pas du tout "opressé"...
Je préfère qu'on mette en place des mécanismes pour sortir les pauvres de leur état plutôt que de les y maintenir en les anesthésiant à coup de chèques-cultures et de théâtre agit-prop subsidiés avec leurs impôts.
Deckard,
Désolé de cette réponse tardive - longue semaine de boulot...
En bref:
1. Je ne considère pas le golf comme une manifestation culturelle.
2.Je ne parle pas ici de subvention directe des pièces mais bien des lieux susceptibles de les accueillir. L'idée n'est pas de financer une "culture officielle" mais bien de garantir l'accès à des formes très diversifiées d'expression culturelle en permettant de maintenir des salles capables de programmer ces specatcles. Par définition, le théatre agit-prop ne risque pas d'anesthésier "le bon peuple" puisqu'il s'agit d'un genre contestataire. TF1, par contre, qui vit plutot grassement et sans subside pourtant, me parait beaucoup plus de nature à endormir tout esprit critique chez ses auditeurs.
3. Vous ne vous sentez pas oppressé, j'en suis ravi! On ne vit pas encore dans un état totalitaire. Malheureusement, le niveau d'oppression n'est pas forcément proportionnel à la conscience qu'en ont les victimes. Sans quoi, la conscience de classe viendrait spontanément au prolétariat au sens large. On est loin du compte. Vous senitriez-vous aussi peu oppressé si les politiques culturelles en place étaient telles que vous n'auriez jamais accès non seulement à l'opéra mais aux musées, cinémas, salles de concert, radio, télé non formatées (bon, ok,le dernier est un mauvais exemple, il ne reste pas beaucoup de télés non formatées)??
3. Enfin, contrairement à ce que vous semblez défendre, je ne pense pas que la lutte contre la pauvreté se limite à un problème purement économique. C'est un problème socio-économique, ce qui est autrement plus vaste. Et ce qui veut dire également que la lutte contre la précarité économique ne peut pas se dissocier de la lutte contre la pauvreté intellectuelle. Loin d'être des politiques exclusives ce sont, bien au contraire, des politiques complémentaires.
Bien à vous,
"Malheureusement, le niveau d'oppression n'est pas forcément proportionnel à la conscience qu'en ont les victimes":
Il faudrait peut-être demander à ces "victimes" prolétaires leur avis avant de se permettre de parler en leur nom. C'est tout à fait le genre de discours que tiennent les leaders du PS: ils savent ce qui est bon pour le petit peuple et, plutôt que d'enfin lui lâcher la bride, multiplient les législations inutiles et étouffantes, tuant tout esprit d'initiative chez le citoyen.
"Je ne considère pas le golf comme une manifestation culturelle.":
Et moi, je ne considère pas la Zinneke Parade ou les Francofolies comme des manifestations capables d'améliorer la situation matérielle et intellectuelle des personnes plongées dans des situations précaires. Je reste convaincu que ce n'est pas ainsi que l'on lutte efficacement contre la pauvreté.
Cher Deckard,
Autant pour les Fracofolies, je peux vous rejoindre jusqu'à un certain point, autant la Zinneke parade est justement l'exemple typique de l'importance de l'activité culturelle pour le progrès de la conscience sociale et politique des participants. Ce n'est qu'un outil et pas une fin en soi. Mais il me semble qu'on entre dans une dimension qui n'a plus de commune mesure avec la Samaritaine.
Quant au commentaire sur les leaders du PS, je le trouve particulièrement emblématique de nos divergences de vue sur l'action politique. Faire de la politique, c'est convaincre de la justesse de ses idées et de son projet de société, construit par l'action collective. Dans le cadre d'une démocratie représentative, la population mandate par le vote des représentants pour implémenter un des projets (ou un compromis entre plusieurs projets) qui lui sont présentés. En bon libertarien - je me trompe? j'ai l'impression de vous avoir déjà lu ailleurs- j'imagine que vous me répondrez que vous ne vous sentez pas spécialement concerné, que le vote est une escroquerie ne servant à rien d'autre qu'à vous priver de vos libertés individuelles chéries, etc, etc. Sur ce sujet, je crains fort que nous soyons sur des positions tellement éloignées que le débat n'est pas même possible.
Bien à vous
"Faire de la politique, c'est convaincre de la justesse de ses idées et de son projet de société":
vous auriez aussi bien pu me dire que "la démocratie, c'est 51% des gens qui imposent leurs idées aux 49% restants", vous ne m'auriez pas plus convaincu.
J'ai l'impression qu'au PS (et vous n'êtes pas les seuls), "convaincre de la justesse de ses idées" doit obligatoirement se faire à coups de subventions et de promotions festivo-citoyennes pour attirer des électeurs assez naïfs pour croire que l'on va résoudre leurs problèmes en deux législatures. C'est complètement idiot, vous ne trouvez pas? Donc, oui, nos positions sont irréconciliables...
"j'ai l'impression de vous avoir déjà lu ailleur": je vous assure que je ne suis pour rien dans l'envoi des lettres parfumées que vous recevez chaque jour à la SLRB! :-)
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