Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Echevins,
Chers Collègues,
Pour le groupe PS, le débat de ce soir est évidemment
important. La principale modification qui nous est proposée dans le Reglement
Général de Police – qui n’est pas seulement celui de la commune, mais
également celui de toute la zone, un fait assez rare que pour être salué –
cette modification, donc, n’est pas anodine. En ce qui concerne l’unification
des règlements de police, je rappelle que la loi prévoit explicitement, dès son
article 2, la possibilité pour les 19 communes de la Région d’adopter un RGP
commun. Je regretterai évidemment que cette faculté n’ait pas été mise en
œuvre, ne serait ce que pour des questions de sécurité juridique pour les
usagers évoluant dans un environnement où les limites des zones ne sont pas
plus marquées dans le paysage urbain que celles des communes.
Il s’agit donc essentiellement d’abaisser l’âge des mineurs
pouvant faire l’objet d’une sanction administrative de 16 à 14 ans.
La liste de ce qui nous apparait comme autant d’obstacles à
cette modification est longue. . Je vais essayer de me montrer aussi synthétique que possible dans
le développement de celle-ci .
1° ) Un obstacle de principe. Si le PS a voté au niveau
fédéral la possibilité d’abaisser l’âge à 14 ans, il ne l’a fait précisément
parce que ce n’était qu’une possibilité et en aucun cas une obligation. Il a
d’ailleurs été particulièrement clair sur le fait qu’aucune commune dans lequel
il exerçait des responsabilités ne ferait usage de cette option. Pour une
raison simple : pour nous socialistes, la jeunesse ne peut pas continuer
d’être stigmatisée comme elle l’est par des politiques telles que celles-ci. IL
ne s’agit pas de la « nouvelle classe dangereuse » que certains
agitent.La jeunesse commet des erreurs, c’est le propre de cet âge. Le rôle des
pouvoirs publics est de les aider à s’en détourner, notamment par des mesures
éducatives adaptées. La simple sanction financière n’en constitue pas une, même
lorsqu’elle arrive en bout de procédure.
Cet abaissement de
l’âge, c’est aussi la négation d’années de progrès en matière de
justice : la convention
internationale des droits de l’enfant le répète assez, les mineurs ne peuvent, ni ne doivent, être
soumis à une justice identique à celle des adultes. Ils doivent faire l’objet
de mesures de protection particulières. Des mesures qui font défaut dans le
projet ici. Or, il s’agit bien d’une question de justice, et pas de seule
police. Le texte de loi est assez clair quant à l’esprit qui anime le
législateur à ce sujet, puisqu’il prévoit notamment qu’un mineur soupçonné
d’une infraction soumise à sanction administrative peut se faire assister d’un
avocat (c’est l’article 16). Je regrette en passant que cette possibilité, qui
impose également des obligations au service sanctionnateur en matière
d’information vers le bâtonnier de l’ordre, ne soit pas reprise dans le
règlement dont nous discutons.
2°) Se pose la question de l’opportunité.
Elle se pose d’ailleurs suivant deux axes,
essentiellement :
-
Le premier axe qui imite fortement la pertinence
de cet abaissement de l’âge est le recours actuellement pendant devant le
Conseil d’Etat, introduit par la coordination pour les droits de l’enfant mais
également par rien moins que la Ligue des Droits de l’Homme, qui ne sont tout
de même pas de gentils guignols en matière de droit.
Outre ce recours, on peut également contester ce texte sur une notion importante, celle selon laquelle la peine doit être
exécutée par la personne condamnée. L’article 14 §1 de la loi suivant lequel
les parents ou tuteurs du mineur contrevenant sont civilement responsable du
paiement de l’amende est ainsi sérieusement attaqué puisqu’il énonce une
responsabilité civile à l’endroit d’une sanction infligée pour des faits qui
relèvent du pénal. Or, un mineur de moins de 16 ans n’a pas la capacité légal
d’exercer une profession rémunérée, on voit donc mal comment il pourrait
s’acquitter d’une amende administrative.
Il aurait été pour le moins pertinent de reporter
l’adoption de cette mesure particulière au-delà de la décision du Conseil
d’Etat, ce qui n’aurait pas empêché de nous présenter un RGP qui maintenait le
seuil de l’âge des sanctions à 16 ans.
-
Le second axe est de nature plus locale. Si l’on
en croit le rapport annuel 2013 voté récemment par ce Conseil, 19 infractions
impliquant des mineurs ont été constatées au cours de l’année écoulée, dont
seule 3 ont débouché sur des sanctions. Nous sommes donc là devant un effet
d’annonce, qui n’améliorera en rien la qualité de vie des habitants de la
commune. Au contraire, elle ne pourra être ressentie que comme vexatoire par
l’importante population « jeune » de Koekelberg.
3°) Se pose également des questions d’une nature beaucoup
plus pragmatiques, mais qui n’en sont pas moins politiques, ne serait-ce que
par leur implication budgétaire. En effet, les procédures qui doivent être
mises en place dans le cadre d’une sanction des mineurs ont un coût pour les
communes et pour les zones. Un coût que, la Ministre l’a répété notamment à
l’occasion de la discussion de plusieurs amendements introduits entre autres
par le FDF (représenté au sein de votre majorité), Un coût donc que le fédéral
n’entend pas compenser. Il n’y aura pas de subsides pour financer le surcroit de
travail imposé notamment aux services de médiations. Il n’y aura pas non plus
de subsides pour financer les frais de justice qu’entraineront les éventuels
recours devant les tribunaux ou tribunaux de la jeunesse prévus par la loi.
Au mieux annonce-t-elle que les rentrées générées par les
amendes suffiront à couvrir les frais occasionnés. Il y a là, pour nous, un
autre problème politique : cet état de fait est de nature à pousser les
services à sanctionner à tout va, dans une optique de rentabilité. Nous ne
pouvons y souscrire.
Les éventuels frais de justices ou de médiation ne sont pas
les seuls à avoir un impact budgétaire en l’occurrence. C’est également le cas
des peines alternatives, qui doivent, rappelons-le à toutes fins utiles, avoir
une vocation pédagogique. En effet, la commune devra disposer d’une assurance
couvrant les personnes exerçant de telles peines. Elle devra également leur
fournir un matériel adéquat et adapté à leur morphologie. Ceci engendrera donc
bien des frais supplémentaire.
4°) On peut également ranger dans les questions
pragmatiques, celle des agents constatateurs. Les infractions qui ne relèvent
pas des infractions mixtes, c’est-à-dire celles qui peuvent uniquement faire
l’objet d’une SAC, peuvent être constatées par des agents communaux. En
l’occurrence, essentiellement des gardiens de la paix. Or ceux-ci doivent
répondre aux exigences de formation reprise dans l’arrêté royal du 21 décembre
2013, dont je vous fais lecture.
Certes, cet arrêté permet aux agents habilités avant le 1er
janvier 2014 à poursuivre leur mission. Toutefois, il nous semble totalement
inconcevable que nous ne cherchions pas à mettre en conformité ces agents avec
les exigences requises pour les nouveaux entrants éventuels. Dès lors je
m’interroge quant au fait que les agents actuellement habilités répondent
effectivement à ces exigences de formation.
5°) En ce qui concerne toujours le constat, je remarque que
la loi autorise les constatateurs à relever l’identité des contrevenants. Ici
aussi l’abaissement de l’âge est un problème manifeste. En effet, le port de la
carte d’identité n’est obligatoire dans ce pays qu’à partir de 16 ans. On peut
donc s’interroger sur les moyens qui pourront être mis en œuvre pour
effectivement procéder à ce contrôle d’identité auprès de mineurs agés de moins
de 16 ans !
6°) Nous nous inquiétons encore de la façon dont sera tenu
le registre des SAC prévu à l’article 44 de la loi. Celui-ci doit être tenu par
le fonctionnaire sanctionnateur, à savoir dans notre cas, si j’ai bien compris,
le secrétaire communal. C’est évidemment une vue de l’esprit que de considérer
que M. De GRENDELE sera celui qui tiendra physiquement ce registre. Nous nous
interrogeons donc sur les services qui le tiendront effectivement et sur les
garanties de confidentialité qui protègeront ceux qui y apparaissent. De la
même manière, nous nous demandons ce qu’il en sera des garanties de la
destruction de ces données au terme de 5 ans ou de leur anonymisation.
7°) Au-delà de ces remarques, je tiens également à vous faire
part de notre étonnement de ne pas avoir reçu, en même temps que le RGP, une
série de documents pourtant requis. Le premier, c’est l’avis du Conseil de la
Zone, lequel doit avoir été pris avant que ne se prononce le Conseil,
conformément à l’article 2 §2. C’est un document qui est pourtant de nature à
éclairer le Conseil.
Le second porte sur les infractions mixtes. Il s’agit du
protocole d’accord qui peut être signé entre le procureur du Roi et le collège.
Il s’agit également d’un document important, au point que l’article 23 exige
que ce protocole soit annexé au reglement de Police. Je ne l’y retrouve pas,
c’est regrettable.
Le troisième concerne l’avis visé à l’article 4 ^5 à savoir
celui de l’organe ayant une compétence d’avis en matière de jeunesse. Cet avis
a bien été recueilli auprès du conseil consultatif ad hoc. Pourquoi n’est-il
pas joint au dossier ?
Pour ces nombreuses raisons, Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Echevins, Chers Collègues, mon groupe ne votera pas
ce Règlement.