21 juin 2007

Comme un grand vol de panzers...


Armand de Decker est le bourgmestre (MR) d'Uccle. Il est également ministre sortant de la coopération au développement. Il est enfin officier de réserve dans les troupes blindées. Ca se voit. Il a toute la finesse de son arme.
Dans la Libre Belgique d'aujourd'hui, il assène en vrac et sans détour que "le PS wallon (sic) est sans doute un des plus archaïque d'Europe" mais surtout que "L'orange bleue aura un programme plus social que si le PS était au pouvoir".

Ca ne manque pas d'air. Quand leurs partenaires flamands posent déjà sur la table la suppression de l'obligation de vote et la limitation dans le temps des allocations de chômage.

Et en quoi donc seront-ils si sociaux? Et bien tout simplement en créant des centaines de milliers d'emplois. Texto. Je ne dis pas que la création d'emplois n'est pas le socle d'une politique sociale. Mais j'aimerais bien qu'on brise un peu ce postulat ridicule selon lequel l'emploi est la voie la plus sûre hors de la pauvreté. La meilleure aide pour les gens c'est de leur donner un revenu. Il y a une différence de taille. Des types qui doivent cumuler plusieurs jobs pour ne pas arriver à payer leur loyer, il ne faut pas courrir jusqu'à Londres pour en trouver des charettes entières. A contrario, il existe encore des gens sans travail qui vivent très bien. On appelle ça des rentiers.

Je suppose qu'avec les réformes fiscales qu'ils nous mittonent, tout ces sales chomeurs pourront bientôt se recycler en barbiers puisque demain, on rase gratis.

Heureusement, le MR est, toujours suivant notre ami, conscient que les bas salaires sont trop bas et qu'il faut les revaloriser. Comment? pas de proposition. Mais d'après les discours de campagne, ils confondent. Ils ne veulent pas revaloriser les bas salaires. Ils veulent supprimer une partie des cotisations pour augmenter le salaire poche. C'est un tour de passe-passe. Vous pourrez dépenser aujourd'hui la pension qu'ils ne vous donneront pas demain.

Ils sont aussi attachés au modèle social européen. Ca je n'en doute pas mais lequel? Ca fait deux ans qu'on essaye de le définir, pour notre part. Rhénan? Scandinave? Anglo-saxon? Parceque, au cas où Armand ne serait pas au courant, le Royaume Uni, c'est l'Europe aussi...

Lui je ne sais pas, mais moi je suis certain que le modèle social européen ne passe pas par la dévalorisation du premier pilier de pension au profit des pensions privées.


Sur l'archaïsme... La critique n'est pas neuve, et d'ailleurs certains comme mon ami Eric, ne rate jamais une occasion de la sortir. J'ai déjà posté sur la différence entre être moderne et être à la mode. Mais quand l'argument massue se résume à "chanter l'internationale à la fin des congrès, ça fait référence à 1917, c'est ringard", peut-être qu'un rappel musicologique n'est pas inutile. Ca changera notre officier de réserve du son du clairon.

Première précision, l'internationale a été écrite par Eugène Pottier en juin 1871 (en pleine répression de la Commune de Paris) et mise en musique en 1888. Elle est devenue l'hymne du mouvement ouvrier en 1904. Si on fait référence à une Révolution, ce n'est pas à celle de 17, ne lui déplaise. Maintenant, je ne doute pas que pour De Decker la référence à la Commune n'est pas moins ringarde. Alors dans le fond, qu'est-ce qu'elle nous raconte l'Internationale?

Si on y jette un oeil couplet par couplet, voila ce que ça donne:

C'est d'abord un chant qui appelle à la prise de conscience de la force collective des travailleurs et de notre capacité à changer le monde. C'est un appel à la transformation sociale, une affirmation puissante que rien n'est immuable. Evidemment, ça énerve le conservateur.

C'est ensuite un chant d'émancipation. Et rationaliste, qui plus est. Le salut ne viendra de personne sinon de nous même - pas de chef à suivre au talon, et quand on voit la façon dont notre tankiste flingue Louis Michel pour encenser son président de parti, là aussi on comprend que ça le démange.

C'est le rappel que la conquête du pouvoir ne suffit pas au changement de la société, que les structures de l'Etat telle qu'elles existaient à l'époque (et telles qu'elles continuent d'exister dans une certaine mesure) étaient l'outil de l'oppression des masses - et que quel que soit le parti au pouvoir, l'outil resterait oppressif s'il n'était pas changé en profondeur. Pottier nous donnait d'ailleurs des pistes à suivre, pointant vers la progressivité de l'impôt et l'égalité des droits, autant que des devoirs.

C'est la critique, violente, des rapports de production, de la répartition de la charge et des bénéfices entre le Capital et le Travail.

C'est une profession de foi anti-militariste, le refus de la violence pour autre chose que la défense des droits, une dénonciation de l'absurdité d'aller se faire trucider, pour défendre un système inique qui plus est.

C'est, enfin, un appel à l'organisation des forces sociales pour la transformation du monde. La conviction que, unis, main dans la main, nous construisons notre avenir et un monde meilleur, mais qu'individuellement nous courrons à l'échec. Et tout ça, on le chante dans toutes les langues du monde, convaincus que l'humanité n'est pas faite d'une mosaïques d'intérêts particuliers.

Monsieur De Decker trouve cela ringard. Il fait de la politique pour être "hype", pas pour défendre des idées, apparemment. Ca le regarde.

Pour moi, au contraire, tous ces thèmes sont encore d'une actualité brûlante. Qu'on la chante sur l'air traditionnel, en rap, en rock, en reggae, à la manière de Chanson + bifluorée ou sur l'air des schtroumpfs, ça ne change pas grand chose. Je suis fier d'être l'héritier du mouvement ouvrier, fier de le faire vivre aujourd'hui et fier de travailler à ce que la vision du monde que nous défendons, en constante évolution dans ses moyens mais en parfaite cohérence dans ses objectifs, se réalise demain.

Avec l'Internationale comme étendard.

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