28 avril 2006

Simple et de bon goût

Pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, allez donc jeter un oeil sur le dernier clip d'Alain Chamfort. Attention, ça demande quand même une connexion plutôt costaude.
Simple et efficace, voila qui rappelle au passage qu'aucun travailleur, manuel ou intellectuel, n'est à l'abri de la logique du profit à tout prix. Chamfort, Jupille et les millions d'anonymes, même combat!

Apprentis - citoyens

Mardi après-midi, je représentais pour la première fois le MJS à un "apprentis-citoyens" à l'Institut Libre Marie Haps. Un débat vraiment intéressant et une expérience enrichissante, que j'espère renouveller au plus vite!
J'en vois douze devant leur PC en train de se demander "Apprentis-citoyens? Kezako??". Si, si, inutile de nier, je le vois bien.
Il s'agit en fait d'une plate-forme mise sur pied par les quatre organisations de jeunesse politique démocratiques de la Communauté Française. Le principe est simple: une classe du secondaire supérieur ou de première année du supérieur qui prépare la rencontre avec ses profs, quatre jeunes engagés en politiques pour présenter leur parcours et les idées qu'ils défendent. Agitez le tout pendant deux bonnes heures et vous obtenez une forme de sensibilisation à la chose publique originale, participative et pas pénible.
Pour cette première expérience, je ne m'attends pas à avoir converti grand monde - ce n'est d'ailleurs pas le but - mais le fait de devoir revenir sur des prises de positions socialistes en laissant tomber toute référence aux "pré-requis supposés connus" est un exercice à la fois difficile et enthousiasmant.
Si vous êtes prof et que vous souhaitez organiser une activité de ce genre dans votre classe, toutes les infos sont ici.

27 avril 2006

Abonnez-vous!


Un petit coup de pub culturelle: ce 3 juin marquera l'ouverture des abonnements à la Monnaie pour la saison prochaine. Un seul conseil, foncez!
C'est la garantie de spectacles de qualité pour un prix défiant toute concurrence. Mon abonnement (J1, -de 28 ans, catégorie 5) coûte 43€ l'an pour 6 opéras, ce qui met tout de même la représentation quasiment au prix de la place de ciné. Evidemment, ça ne donne pas droit à un fauteuil d'orchestre, mais bon... on n'est pas assis derrière une colonne non plus.
Des musiciens de première force dirigés par Kazushi Ono, des mises en scènes innovantes - parfois jusqu'au tape-à-l'oeil, c'est vrai - des chanteurs de grand calibre et un choeur... toujours à tomber par terre. Et, après plusieurs expériences comme celle du Boris Godounov joué en ce moment, la conviction que la musique, même classique, peut encore être un moteur de réflexion politique. Autant de bonnes raisons de ne pas passer à côté.
Pour le programme de la saison prochaine, c'est ici.

21 avril 2006

Il carabinieri

Pour info, voici le message du Mouvement des Jeunes Socialistes à nos homologues italiens à l'occasion de la victoire de Prodi:

After an intense campaign and a couple of weeks of suspense, due to the unfair attitude of a frustrated losing side, it is the MJS Belgium great pleasure to congratulate our comrades from the Sinistra Giovanile and the Federazione dei Giovani Socialisti on the victory of the Unione in the Italian elections.

This hard-won victory concludes a campaign fought both in Italy, and for the first time with such a determinant outcome, among the Italian communities outside of the country. This was particularly the case in the important community in Belgium, where we were happy to support the candidates of the left. But it also concludes a dark period in the political life of a great European country, and opens the way to a new and hopefully long era that will put substance and people back at the heart of politics.

As for the near future, we are looking forward to seeing Italy taking back its place in the concert of the European nation – in front of the social and political integration process, rather than at the tail of it, where the right wing put it these last years.

Addressing you again with our most sincere congratulations,
Socialist regards.

15 avril 2006

Faits divers

J'aime pas les faits divers. C'est peut-être mon côté schtroumpf grognon mais ces brèves de 4 lignes qui servent juste à entretenir dans le lectorat (ou le public de RTL-TVi) le sentiment diffus que le monde autour de nous est vachement dangereux, ça me gonfle.
Mais bon, là, le héros (hum) du fait divers c'est moi, donc je vous le raconte. Et après ça, vous n'échapperez pas à deux trois réflexions diverses et variées, histoire de ne pas me limiter aux 4 lignes ambiguës dont mention plus haut.
Donc vendredi 14, vers 19h, je rentre d'une course en ville pour la pendaison de crémaillère d'un copain. Dans le bus 71, moi et plein de gens, dont trois types qui ont une conversation, disons, animée et éthylique sur le sort à réserver à une poubelle. Durant tout le trajet, le ton monte jusqu'à ce que nous arrivions à l'arrêt cimetière d'Ixelles (c'est là que je vis). Je descends par l'avant et, le temps de remonter le bus, un des trois types est par terre sur le trottoir tandis qu'un des deux autres lui redessine un portrait dans le plus pur style cubiste à grands coups de godasse dans la tronche.
Je ne sais pas pourquoi, mais dès qu'il s'agit de défendre la veuve et l'orphelin, mon sang ne fait qu'un tour, je ne peux pas m'en empêcher, j'y vais. Donc, pas de surprise, je me mêle du pot de chambre. Je vous fais pas de dessin: en deux minutes, c'était plié, le chevalier blanc est au tapis, et Picasso et son pote entament une nouvelle toile. Vous ne m'en voudrez pas si je ne m'étends pas sur ce qui arrivait à la première victime à ce moment là, j'étais occupé à méditer sur les vertus de l'égocentrisme forcené et l'impérative nécessité de me remettre sérieusement au sport.
Heureusement, l'un ou l'autre des cinquante passants a fini par appeler le 112 et, aux cris de "la police arrive", les deux gars fichent le camp sans demander leur reste. C'est bizarre mais, le visage en sang, le temps parait plus long. Donc, après un temps qui parait infini, l'ambulance arrive enfin suivie, à quelques minutes d'intervalles, par une voiture de pandores, qui veulent savoir si c'est bien ici pour les blessures par balles. Désolé, les gars, ici c'est juste pour les blessures par parapluie.
Bref, voila, moralité 5 points de suture, une série de bosses, un suspense insoutenable en ce qui concerne d'éventuelles séquelles après les coups de pied dans le ventre, et pas un gramme de jugeote en plus puisque, après mure réflexion, je crois bien que la prochaine fois, je recommence.
Fin du fait divers.
Avant d'aller plus loin, merci infiniment à tous ceux qui se sont arrêtés et inquiétés de ce qui se passait. Plus encore à ceux qui sont restés s'occuper de moi et de mon compagnon d'infortune en attendant les ambulanciers.
Maintenant, l'aspect politique communale de l'histoire.
L'arrêt de bus est, à tout casser, à 500 m de l'antenne de la "5è division" de police, qui se trouve lui au bas de la chaussée de Boondael. Je peux vous garantir que même en rampant avec les dents et les oreilles, 'faut pas vingt minutes pour faire le trajet. (j'apprends depuis que l'antenne n'est pas ouverte en permanence)
En discutant un peu avec les deux agents qui nous ont rejoints aux urgences de l'hopital d'Ixelles, il est apparu que les deux malheureux était en patrouille à Laeken quand on leur a dit d'intervenir. Pour info, l'un habite Tongres, l'autre Genk. Pas étonnant, donc, que ces deux malheureux flics aient mis un temps infini à traverser tout Bruxelles pour enregistrer difficilement une déposition dans une langue qu'ils ne comprenaient qu'aussi approximativement que je parle la leur. Notez que le front ouvert n'entame pas significativement mon niveau de néerlandais. ;)
Mais soit, voila la vraie question: la réforme des polices devait garantir une police de proximité. Pour Ixelles, c'est raté. En dehors des querelles portant sur le financement de la zone Bruxelles-Ixelles, on se trouve dans une situation ou les agents de quartier ne connaissent pas leur territoire, ne sont pas toujours en mesure de communiquer et, pour tout dire, seraient plutôt contents d'être mutés près de chez eux - ce qui est bien compréhensible, je m'empresse de le dire.
Donc: à quand une zone indépendante "Bruxelles" et le rattachement d'Ixelles à une autre zone de police? Si on veut obtenir une police de proximité efficace (c'est à dire favorisant une approche préventive et socialisante), et qui évite les dérives sécuritaires dans le public, je ne vois pas d'alternative...

11 avril 2006

Mise à jour 3: Prodi vainqueur! ...mais la gauche?


Ouf! Après un suspens à bouffer sa cravate (je ne porte pas de cravate mais il ne me reste que peu de cheveux à arracher), ça parait plus clair: Prodi a bel et bien remporté le duel qui l'opposait à Berlusconi.
Je m'en réjouis, bien entendu, mais n'empêche que l'humeur n'est pas vraiment au triomphalisme non plus. L'ampleur de la victoire n'est pas particulièrement de nature à se noyer dans des hectolitres de champagne. Au contraire, le contrôle du sénat s'est joué sur le vote des italiens de l'étranger - merci à tous d'aoir accompli votre devoir de citoyen! - et ce n'est qu'à une réforme pour le moins discutbale de la loi électorale, qui offre un "bonus" de siège au premier, que l'Unione doit de disposer d'une majorité à peu près stable à la chambre.
A peu près... et c'est bien le problème. Berlu est passé très près de rempiler pour un troisième mandat. Si près, en fait, qu'on ne voit pas vraiment pourquoi il se retirerait de la vie politique ni même pourquoi il serait débarqué par ses troupes. Donc, il faut compter sur son incapacité à mener une opposition de longue haleine pour le voir disparaître de la scène.
Pour que celle-ci se révèle, il faut aussi que Prodi reste au pouvoir sufisamment longtemps, ce qui n'est malheureusement pas évident, vu le caractère hétéroclite de sa majorité. Les éléments de la gauche radicale, comme Rifundazione Comunista ne risquent pas de faire tomber son gouvernement - quelque part, ils sont marqués par la responsabilité d'avoir plombé la dernière coalition de gauche et ne peuvent se permettre de réitérer leur exploit. Par contre, les démocrates chrétiens de la Marguerite se trouvent, eux, avec leurs 10%, dans la situation où ils doivent se démarquer de leurs partenaires et particulièrement des démocrates de gauche, s'ils veulent éviter de disparaitre ou de fusionner avec eux.
Pas vraiment une promenade de santé pour "L'Unione"

Mise à jour 2: le CPE au feu et Villepin au milieu.


Ca y est, il a lanché la rampe: le CPE est passé à la trappe.
Villepin s'est pointé en conférence de presse en regardant le bout de ses godasses pour l'annoncer: finalement, le CPE on va laisser tomber. Pour quelque chose d'autre.
Dont acte. La preuve est faite que lorsque les acteurs sociaux se mobilisent pour dire non et que les uns et les autres dépassent leurs intérêts sectoriels directs, il y a encore moyen de faire reculer la droite néo-libérale. Que les mouvements radicaux ne sont pas sans avenir, contrairement à ce que semble penser la CSC.
Mais la lutte ne s'arrête pas là: si le projet consacré aux moins de 26 ans dans les entreprises "standards" est effectivement battu en brêche, le CNE qui vise l'ensemble des travailleurs dans les petites et moyennes entreprises est quant à lui bien vivant, même si les arrêts rendus par la justice du travail en France tend à en limiter les effets.
Enfin, retirer le projet, très bien. Promettre "autre chose", ça ne met pas grand monde à l'abri... vigilance, donc.
Et ce n'est pas le tout. Après avoir été désavoué de cette manière par la rue et par son patron, Villepin est peut être aussi droit dans ses bottes que pouvait l'être Juppé en 1995 mais il est certainement aussi grillé que lui. A qui profite le crime, alors? Un indice, il est petit et teigneux et ce n'est pas José Bové. Gagné, c'est bien Sarko qui pourra désormais aller dire un peu partout qu'il est l'instrument de la paix sociale. Une semaine après avoir été chargé de la négociation, boum, il obtient la fin des actions de blocage. Finalement , il ne resterait presque plus qu'à espérer qu'il se retrouve premier ministre d'ici aux élections présidentielles, histoire de se griller les ailes à son tour...

Mise à jour 1: 100 ans des JS espagnols.


Le week end passé, nos camarades du JSE, les Jeunes Socialistes Espagnols fêtaient à Bilbao le centième anniversaire de leur mouvement.

Plusieurs rencontres interessantes, parmi lesquelles celle du secrétaire général des JSEU de 1931 à 1936, qui a organisé la participation du mouvement à la défense de la République, ou celle des camarades de Toulouse, actives dans l'exfiltration des socialistes contraints à l'exil par le régime franquiste .

Ca a aussi été l'occasion de voir que Zapatero n'est pas à l'abri d'une volée de bois vert: Alfonso Guerra Gonzales, le président de la fondation Pablo Iglesias, n'a pas épargné sa vision du socialisme ni son gouvernement. Gouvernement dont on a appris en cours de congrès qu'il était réformé en vue d'affronter d'une part la paix au Pays Basque et, d'autre part, la réforme de l'enseignement supérieur. La nature exacte de cette réforme n'est pas encore très claire, d'ailleurs... à suivre!

04 avril 2006

C'est dur pour tout le monde, surtout pour moi tout seul


C'est du moins ce que chantait Plastic Bertrand (enfin Lou Deprijck, mais on ne va pas revenir éternellement sur cette histoire...) sur son album "An 1". Soit dit en passant, je vous mets au défi de retrouver les paroles de cette chanson: j'ai essayé avant de poster, pas moyen de mettre la main dessus. Les amateurs de challenge apprécieront cet indice: le titre, c'était "Pognon Pognon". Ce qui dans le fond n'est pas éloigné du thème du jour.
En effet, pourquoi exhumer cet improbable figure de la scène punk belge de la fin des années 70? Pas juste pour le plaisir de faire de la pub à Pipou ou pour vous dire que mon père était le bassiste de la tournée "ça plane pour moi". Ca, c'est triste à dire, mais je soupçonne que tout le monde s'en fout.
Non, le pourquoi est bien plus simple. C'est parce que, à mon avis, les patrons d'InBev, le géant de la bière nés de la fusion d'Interbrew et d'un collègue brésilien, devaient être punks, dans leur jeune temps. Et qu'ils devaient se passer cette chanson en boucle. "j'veux du franc, du dollar et du yen, pognon, pognon, pooognon, j'en ai pas trop donnez-moi 'z-en - du bléééééé!". Pas à dire, c'est quelque chose qui marque.
Et c'est comme ça qu'ils en arrivent à annoncer un jour un milliard d'euros de bénéfice - ce qui est tout de même confortable. Et le lendemain la mise à la porte de 145 employés à Jupille pour cause de délocalisation en Hongrie et en République Tchèque.
Après ça, il y en aura encore pour dire que la concurrence entre les états de l'Union c'est la voie royale de l'intégration européenne. Et que l'harmonisation fiscale et sociale par le haut, ça peut attendre... Evidemment, les licenciements économiques fonctionnent aussi bien sans concurrence interne. C'est vrai, mais ça n'aide pas. Moralité: sauvez un emploi, flinguez un actionnaire.
Oooops, on va encore m'accuser d'incitation au meurtre. Soutenez plutôt le rapport Hutchinson condamnant les délocalisations intra-européennes. C'est fort peu, mais c'est un premier pas.
Par ailleurs, pour manifester votre solidarité avec les travailleurs de Jupille, allez signer la pétition en ligne.

03 avril 2006

Ich bin ein Brontosaure


La semaine passée, le Soir consacrait pas moins de 4 pages à enfoncer le clou de la pensée unique. 4 pages pour nous expliquer que si l'économie belge va mal c'est parce qu'elle n'est pas assez moderne, que nous devons accepter plus de flexibilité, que c'est bien normal qu'un patron rechigne à engager, puisqu'il lui sera difficile de débarquer ses employés au premier ralentissement de ses bénéfices. Et ceux qui disent le contraire sont des brontosaures doublés de menteurs, dont les grilles d'analyse sont bien évidemment dépassées puisqu'inspirées d'économistes du XIX siècle.
Pour vous dire jusqu'où le discours porte, c'est avec quelques nuances celui que tient Poul Nyrup Rasmussen, le président du Parti des Socialistes Européens.
Première observation - c'est l'historien qui parle: ce n'est pas parce qu'un texte, une personne ou une idée est vieille qu'elle est dépassée. Contrairement à ce qu'on essaye de nous faire croire, ce n'est pas parce que le Mur de Berlin est tombé que les penseurs socialistes, Marx en tête, ne valent plus tripette. Bien au contraire, ça permet de revenir aux sources sans complexe. Et pourquoi sont-ils toujours d'actualité? Parce que ce qu'ils observent n'a pas beaucoup changé en un siècle et demi. En dépit des apparences, le capitalisme n'a pas changé de nature. Ce qui pourrait donner l'impression du contraire n'est que le résultat des avancées sociales obtenues à la sortie de la deuxième guerre mondiale. Ces avancées que l'on détricote aujourd'hui au nom de la modernité.
Ce qui m'amène à ma deuxième observation: est-ce que les mots veulent encore dire quelque chose?
Je m'explique. La modernité, c'est quoi? c'est un concept sociologique et philosophique qui, en gros, met la Raison (avec un grand R) au centre de l'univers, et affirme qu'en s'appuyant sur la Raison, l'Homme peut changer le monde dans lequel il vit. Ca installe aussi la notion d'un possible progrès. Pour une introduction rapide à la question, allez voir ici.
Dans le cas qui nous concerne, il y manifestement une confusion. Ce qui est reproché à l'économie belge, ce n'est pas de ne pas être assez moderne. C'est de ne pas être assez contemporaine ou, à la limite, de ne pas être assez à la mode. Ca n'a rien à voir.
Mais ce qui est assez extraordinaire, c'est la façon dont ce mot est utilisé pour laisser entendre que les défenseurs des droits sociaux, en particulier sur les lieux de travail, sont une bande de conservateurs complètement à la masse.
Quand Victor Hugo a fait jouer pour la première fois "Hernani", le feu a été mis à la querelle entre les Anciens et les Modernes, entre les "genous" et les "chevelus". La jeunesse romantique voulait faire éclater ce qui restait de l'ordre social de la Restauration, s'attaquait violemment aux tenants du retour aux valeurs de l'Ancien Régime, à ceux qui pensaient que la révolution de 1789 n'était finalement qu'une parenthèse qui n'avait rien changé. Par un renversement de sens délirant, aujourd'hui, ce sont les progressistes passent pour les conservateurs, et réciproquement.
Le plus beau symbole de cet état de fait? Mouvement Réformateur, c'est jeune, c'est dynamique, non? c'est un beau nom qui dit bien que ça veut faire changer les choses, bref que c'est un parti pour le progrès? Perdu, c'est bien le parti de la droite, des réactionnaires, de ceux pour qui une bonne réforme est une réforme qui ramène à la situation sociale d'avant-guerre.
Et qu'est-ce que répond la gauche à ça? Rien.
A mon avis, deux raisons principale pour expliquer ce silence:
1. Une raison historique. En 1945, les mouvements de gauche majoritaires ont obtenu, je l'ai déjà dit, une série d'avancées sociales qui paraissaient parfaitement inaccessibles 10 ans plus tôt. Ce n'est pas l'ensemble du cahier de revendications, mais ça y ressemble beaucoup. Et le rapport de forces ne permet pas d'obtenir plus immédiatement . On s'enthousiasme donc pour ce qu'on a obtenu (et on a bien raison) et on range le reste (on a bien tort). Toute soucieuse de conserver les acquis et éventuellement de les améliorer à la marge, la gauche traditionnelle ne portera plus de ligne de rupture. Et dans le combat social, quand on n'avance plus, on recule. Rigolez si vous voulez: c'est de Philippe Moureaux. Enfin, peut être pas de lui, mais en tout cas endossé par lui.
2. Une raison sociologique et philosophique. La modernité, ça ne fait plus recette. En particulier, ce qu'on appelle les grands récits, porteur d'une espérance eschatologique. En d'autres mots, les visions du monde et de l'histoire qui vous promettent une vie meilleure dans le futur: le paradis chez les chrétiens, le grand soir et les lendemains qui chantent pour le socialisme. Essayez un peu de parler des lendemains qui chantent dans la rue... C'est fait? bon, allez mettre une escalope sur ce vilain oeil au beurre noir. Voila, on peut continuer maintenant.
Evidemment, se dire que ce qui vide les églises est aussi ce qui fait baisser le niveau de syndicalisation n'a rien de réjouissant. Mais c'est un fait: nous, socialistes, n'arrivons plus à faire passer notre projet, éminemment moderne, dans une société devenue post-moderne. Pire: au sein même de nos partis, de moins en moins de monde parait croire en ce projet. Et de moins en moins de monde se donne la peine de le comprendre et de l'étudier.
Et personne ne propose de réelle alternative: pas même de tentative de transposition du projet socialiste dans le nouveau cadre de pensée post-moderne. Ce qui en tient lieu, ce n'est rien d'autre qu'un détournement droitier à la limite de la caricature.
Je n'ai pas de sympathie particulière pour Habermas: un philosophe qui écrit des bouquins de dialogues avec un pape (Ratzinger), c'est louche - souvenez-vous du dialogue Haarscher/Ringlet. Mais je suis en tout cas d'accord avec lui quand il dit que la modernité est un projet inachevé et qu'il faut le reprendre, sous peine de perdre notre humanité.
Si c'est ça être un brontosaure, je suis fier d'en être un.